Vous plaidez pour une voie de développement hétérodoxe, par opposition à une orthodoxie faite d'économie pure, déconnectée de la politique, aux mains de technocrates. Comment caractériser cette voie?
D'abord, parce qu'elle privilégie le local, le long terme, le sociopolitique, alors que la voie orthodoxe s'appuie d'abord sur le national, le court terme, l'économique. Puis par ce renversement : c'est d'abord un parti pris en faveur de la lutte sociale et politique que mènent les plus démunis qui permettra l'avènement d'un développement plus solidaire. Et non l'imposition de modèles, venus d'en haut ou d'ailleurs, qui masquent mal les processus réels de concentration des bénéfices de la croissance, ou du moins leur contrôle, au profit des puissances dominantes. Loin de «l'option pour les plus pauvres» qui commence à faire slogan dans les agences de coopération, il s'agit d'un nouvel équilibre entre les forces du marché, les acteurs sociaux et un Etat de droit garant de l'intérêt commun et de l'équité. Un Etat organisant une démocratie continue, aux divers niveaux de la société, doté de capacités d'arbitrage mais favorisant l'auto-organisation paysanne, la promotion des très petites entreprises, les initiatives collectives et décentralisées visant à créer des espaces de prospérité partagée.
Cette vision exige de reconsidérer l'aide internationale. Elle doit viser la réussite à long terme des réformes agraires, la réduction des inégalités sociales, la construction d'un système édu