Accrochées au mur, juste à côté de l'autel des ancêtres, une série de photos relate le siècle de Kiyuke Okushima. Quelques clichés fanés d'avant-guerre lorsque son mari, mort plus tard sous l'uniforme en Nouvelle-Guinée, péchait en barque au large de la côte. Jusqu'aux photos récentes commandées par la préfecture d'Okinawa pour commémorer l'une de ses plus vaillantes centenaires. Madame Okushima assise au milieu de ses trois filles et trente-deux descendants. Madame Okushima en kimono de soie fleuri recevant du Premier ministre un diplôme de citoyenne d'honneur. Et la fameuse affiche : le visage souriant de l'aïeule brandissant un Goya, une variété de concombre réputé détenir le secret de l'extraordinaire longévité insulaire.
104 ans et alerte. C'est à la coopérative agricole de sa commune d'Ogimi, à l'extrême nord d'Okinawa, que Kiyuke Okushima, 104 ans depuis l'été, doit d'être célèbre dans tout le Japon. Le lobby paysan de l'archipel des Ryukyu, un chapelet d'îles méridionales, a été le premier à promouvoir l'image souriante de cette ancienne vendeuse de poisson à la criée. Journaux et télévisions ont suivi. Au point qu'un monument a été érigé à l'entrée de la localité, rebaptisée avec fierté «village des centenaires» par son conseil municipal.
Car Madame Okushima n'est pas seulement une très vieille dame radieuse, toujours aux aguets sur son fauteuil bas en rotin imposé par ses docteurs depuis que des crampes l'ont laissé, un jour, incapable de se relever,