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Libération

L'ami privilégié

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publié le 16 novembre 2002 à 1h48

Parce qu'on a vu beaucoup de films sur la guerre de 14, on dirait une photo de plateau de cinéma, d'autant plus troublante et proche que ce soldat moustachu en train de griller une Troupe a un fort faux air de Bernard Giraudeau. Beau gosse, donc. Et les yeux clairs. Malgré le noir et blanc de cette image, on sait, toujours le cinéma, que les poilus, comme une provocation à la mitraille, étaient habillés d'uniformes bleu pâle. Le regard clair du soldat en est d'autant plus rehaussé. C'est une photo du passé (plus ou moins quatre-vingts ans) qui donne envie d'y rêver au présent. Car l'article qui l'accompagnait (lire Libération du 11 novembre) nous apprend que ce cliché, comme quelques centaines d'autres d'une exposition en cours à l'Historial de la Grande Guerre de Péronne, a une histoire. Il a été pris par le jeune (20 ans) soldat Marcel Felser sur le front des Vosges.

Et son modèle accort, qui ne doit guère être plus âgé que lui malgré sa moustache d'homme, était «son ami privilégié», appellation mal contrôlée qui, dit-on, donnait un nom aux fortes amitiés masculines nées au front. On n'en sait pas plus, mais cela suffit pour divaguer. D'abord son prénom, sûrement Ferdinand ou Gaston. Ou ce que lui écrivait sa marraine de guerre : «Mon grand, on nous dit qu'il fait grand froid sur le front, tâche de ne pas t'enrhumer. Ci-joint mon colis avec deux paires de chaussettes de laine, un cache-nez et des barres de chocolat. PS : tu peux partager le chocolat avec ton ami Marcel.»

Et,