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par Nicole GARCIA
publié le 30 novembre 2002 à 1h56

Samedi

«Je suis un couillon»

Mais où est donc passé ce type ? Oui, celui qui a fait demi-tour au premier jour de la Route du rhum, celui qui a renoncé avant même le premier grain, Bertrand de Broc, voilà. Plus un mot sur lui. Je pensais bien le treuiller dans ma semaine. La peur, la lassitude, autant d'affects sourds et occultés de la frénésie quotidienne.

Le courage de renoncer, braver la peur de décevoir... et rentrer au port. Le courage d'être au plus près de soi, de sa faiblesse, de croire en sa faiblesse, d'arrêter la course... et tant pis pour les cornes de brume des Caraïbes... En ces temps «libérés», où tout le monde vous intime de suivre votre désir. Un homme le fait et tout est étonné.

Et l'autre, le Suisse, Ravussin, qui devait gagner, s'est assoupi et retrouvé sur le dos. Scarabée désolé. Pas de tuerie, pas de drame, pas de pleurs ici, mais un goût de désastre... Tel Xerxès, installé sur son trône d'or, posant déjà pour la postérité et voyant sa flotte engloutie à Salamine... «Il y a eu du grain et, couillon comme j'étais, je me suis endormi lourdement. Tout est au lac... J'ai une grande tristesse pour tous ceux qui m'ont aidé... L'alizé, c'est merdique... J'aurais dû mettre le solent, mais c'est notre nature : on fait de la course, pas de la croisière.» N'ai à peu près rien compris à ce commentaire, mais il m'a émue. Pourrait être une définition de la vie.

Quand d'autres bombes sauteront à Jérusalem, un homme treuillé dans l'Atlantique et un autre, pieds joints, dans