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Libération

On va te le faire bouffer, ton rapport

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publié le 14 décembre 2002 à 2h09

Sans métaphore, c'est un rapport explosif. Les douze mille pages que l'Irak a remises aux inspecteurs de l'ONU pourraient être la cause de multiples bombardements. C'est un texte pas comme les autres. Avec les procès et les affaires, de Renaud Camus à Michel Houellebecq, on remarque en France une judiciarisation de la vie littéraire. Les Américains sont passés à l'étape suivante : la militarisation de la vie intellectuelle. Mais les militaires sont-ils les meilleurs lecteurs qui soient ? D'autant que les Américains ont censuré le rapport dès son arrivée à New York. Et douze mille pages : il s'agit de toute évidence d'une oeuvre collective (peut-être même Xavière Tiberi a-t-elle été mise à contribution). Tous les Irakiens ne peuvent pas payer pour un seul mauvais auteur. Rien ne prouve que c'est Saddam Hussein qui l'a écrit. Va-t-on envoyer l'armée si on trouve que le rapport est mal écrit ? S'il y a des fautes d'orthographe ? Ce serait une façon trop brutale de faire la guerre à l'illettrisme. Et si les Irakiens prétendent que juste il est mal traduit, qu'on n'a pas noté toute la nuance de la note 4 de la page 9688 ? Et si, le temps qu'on le lise, ils arrivent avec vingt mille pages supplémentaires en disant «c'est le deuxième tome», et s'ils précisent «ce sera une trilogie» ?

Curieusement, c'est un rapport secret officiel, un rapport protégé à risque. Un texte comme ça, normalement on a envie de se précipiter pour le lire. On nous présenterait, même sans risque de guerre, un