Avec l'émancipation des femmes et la maîtrise de la procréation depuis plus de trente ans, certains estiment que les mères prendraient trop de pouvoir. Cela amènerait à une «maternisation de la société», selon les mots du psychanalyste Michel Schneider. Pensez-vous que les mères d'aujourd'hui sont trop puissantes ?
Cette position me paraît extrêmement confuse et parfaitement démagogique. Elle s'appuie sur un fantasme brandi comme un épouvantail, celui de la puissance extraordinaire du féminin, rendue moins contrôlable par la maîtrise de la procréation, et associée à une sexualité plus libre. On nous met en garde aujourd'hui contre la «maternisation de la société». Il y a trente ans, lors des débats autour de la loi Neuwirth sur la contraception, certains voyaient la France menacée de devenir un vaste bordel. Je dirais que parler de maternisation de la société, c'est d'abord éviter de réfléchir à des questions politiques (l'aide sociale par exemple) en termes politiques. C'est ensuite verrouiller toute possibilité de réflexion critique sur la question du rapport entre les sexes dans la société contemporaine. Un fantasme largement partagé (celui de la mère toute-puissante), ininterrogé, tient lieu de pensée.
Mais ce n'est pas qu'un fantasme. Il existe bien des mères abusives...
Bien sûr, de là à parler de maternisation de la société... Par contre, on pourrait se demander pourquoi on rencontre si fréquemment cette figure de la mère «abusive», dont le pendant serait la mère «dénatu