Un spectre hante le parti socialiste, le spectre de Lionel Jospin. A entendre les déclarations des dirigeants du PS, à lire leurs confidences, à détailler les interpellations des militants, sollicités comme jamais depuis le 21 avril, on se heurte sans cesse à l'étrange sentiment d'une famille de gauche mutilée, dépossédée de son leader national, obnubilée par son absence/présence, à la fois frustrée par sa retraite et aux aguets de ses moindres gestes, comme incapable de rompre psychologiquement avec lui, partagée en somme entre le regret, la rancune, le respect et une dépendance résiduelle. Ce malaise a des racines naturelles : l'élimination surprise du chef de file de la gauche dès le premier tour de l'élection présidentielle constitue pour son camp un tremblement de terre politique dont il est très compréhensible que les répliques se fassent encore sentir huit mois après. Par ailleurs, la préparation d'un congrès qui a l'ambition d'ouvrir un nouveau cycle entretient une précarité propice à toutes les nostalgies, à toutes les amertumes. La gauche plurielle est morte et le PS a perdu le leader qui le menait énergiquement depuis 1995 et figurait dans son paysage le plus familier depuis 1981, lorsque Lionel Jospin était devenu pour sept ans son premier secrétaire. Une aussi brusque absence ne pouvait qu'être douloureuse. Elle met à nu des vulnérabilités, des contradictions, des hésitations surtout, que l'autorité de Lionel Jospin occultait. Les socialistes lui en veulent d'un
Le spectre de Lionel Jospin
Article réservé aux abonnés
par Alain Duhamel
publié le 21 décembre 2002 à 2h14
Dans la même rubrique
TRIBUNE