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Libération
Interview

«Il faut tuer la mère»

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publié le 8 février 2003 à 22h11

Aldo Naouri est pédiatre, aujourd'hui à la retraite. Spécialiste des relations intrafamiliales, il a notamment publié les Filles et leurs Mères (1), un best-seller vendu à plus de 300 000 exemplaires.

Êtes-vous surpris par le succès d'une campagne de publicité fondée sur la relation mère-fille ?

Non. Cette campagne marche très bien parce qu'elle entre dans une des tendances de nos sociétés occidentales qui consistent à effacer les différences générationnelles. Autrefois, une fille s'interdisait de penser la beauté, la coquetterie, la sexualité de sa mère. Et la mère, en pensant à sa fille, ne se préoccupait pas d'autre chose que de l'élever. Sans avoir, à aucun moment, de regard curieux sur sa féminité ou sa sexualité. Autour de ces sujets, les mères avaient des relations d'échange avec d'autres femmes que leurs filles. Et les filles, idem. Chaque génération avait son territoire. Aujourd'hui, nous sommes dans une idéologie qui, sous prétexte de démocratie, et au motif de lutter contre les inégalités, a décidé d'abraser les différences. Si un produit s'inscrit dans cette tendance, c'est sûr qu'il va trouver un marché.

Mais comment expliquer une telle application à la ressemblance ?

Faire des enfants a toujours été la meilleure façon de faire obstacle à la mort. La mère d'aujourd'hui, quand elle était la fille de sa mère, s'autorisait à la voir mortelle. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, comme si le spectre de la mort pouvait être écarté. La mère noue à sa fille une relation si f