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Libération

Place des fantômes

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publié le 8 février 2003 à 22h11

C'est une image dont le flou n'est pas artistique. Elle a été prise un soir sur la place Tahrir en plein centre du Caire. Les silhouettes qu'on y distingue à peine sont toutes masculines. Des hommes qui prennent le frais dirait-on, des Cairotes qui s'adonnent à une ancestrale passion égyptienne : baguenauder, se donner des nouvelles, traîner la savate, tuer le temps. Mais pas seulement, car cette place était aussi connue pour être un des hauts lieux de la drague et de la prostitution homosexuelles de la capitale égyptienne. Il faut en parler au passé depuis le sinistre procès de novembre 2001 qui exhiba et condamna 23 ...gyptiens accusés non pas d'homosexualité, celle-ci n'étant pas officiellement interdite par la loi égyptienne, mais de blasphème contre l'Islam. L'enquête de notre correspondante au Caire (Libération du 4 février) nous apprend que depuis les choses ne sont pas arrangées pour les pédés égyptiens : retour dans le placard avec double cadenas dans le meilleur des cas ; opprobre, tracasserie et provocation policière dans le pire. A l'instar de cette photographie, un retour au flou après quelque temps de tolérance relative plutôt réservée aux privilégiés du pays. Cette photo qui plonge dans le noir rappelle que jamais rien n'est acquis, ni là-bas ni ici où nos petits coups de chaud communautaristes paraissent soudain bien dérisoires en regard de ce qu'endurent nos frères humains en Egypte comme dans bon nombre d'autres pays musulmans. C'est comment pour les pédés