Puisque Bagdad chutait, il fallait une image de quelque chose qui tombe. Une bombe ? Déjà vu, voir lassant. Une mère irakienne effondrée au chevet de son enfant mutilé par quelque bavure de missile américain ? Tu vas pas nous gâcher le plaisir ! Alors quoi ? Dès lors que les tanks américains, de préférence à n'importe quel hôpital, eurent décidé de «sécuriser» (pourrait-on décréter un moratoire sur cet euphémisme atroce ?) la place Al-Firdos, le tour était en passe d'être joué. Car cette place a l'avantage crucial d'être située à portée de l'hôtel Palestine, où sont regroupés les journalistes du monde entier. Par ailleurs, une grosse statue de Saddam Hussein y trône. Que demander de plus ? Un clip : Saddam Hussein cerné par les chars américains. Bon, OK, pas tout à fait Saddam pour de vrai, mais, «en ces circonstances historiques», on ne va pas mégoter. D'autant que les communicants du Pentagone ne devaient pas imaginer, même dans leurs rêves les plus fous, que ce clip édifiant allait être suivi d'une publicité allégorique le disqualifiant aussitôt : le peuple mettant à bas le symbole de la dictature. Super ! En plus, même pas besoin de déplacer les caméras de télé juchées sur l'hôtel Palestine, juste la fatigue d'appuyer sur «on».
Ce qui fut fait tout l'après-midi du 9 avril avec des commentaires en direct qui instillaient l'étonnante sensation que les Nuls étaient de retour à l'antenne : «Pouvez-nous commenter ce qui se passe derrière vous et que nous voyons nous aussi ?» (