Partisan du droit d'ingérence, notamment pour la Bosnie et le Kosovo, vous étiez réticent face à l'intervention américaine en Irak. Qu'en est-il aujourd'hui ?
A quelque chose malheur est bon car nous sommes finalement débarrassés de Saddam Hussein. Je me réjouis de voir des foules célébrer la fin du régime mais les choses peuvent se retourner assez rapidement et je me souviens qu'au Sud-Liban les Israéliens furent au début accueillis en libérateurs. Il reste en outre beaucoup de questions, notamment celles des armes de destruction massive qui jusqu'ici n'ont pas été trouvées.
En même temps je suis partagé. Je crois toujours que le droit d'ingérence c'est-à-dire le droit d'intervenir contre un génocide ou un désastre humanitaire, y compris en violant la souveraineté d'un Etat peut être nécessaire. Mais je ne pense pas que l'administration Bush ait choisi la meilleure manière d'agir. C'est comme si, en juin 1999, l'Otan avait envahi la Serbie à partir de la Hongrie, avec 300 000 hommes pour chasser Slobodan Milosevic. Je ne pense pas non plus que l'on puisse donner un chèque en blanc aux Américains pour faire ce qu'ils veulent, pour appliquer les droits de l'homme de façon discrétionnaire : cela rappelle plus la doctrine Brejnev que le droit d'ingérence. On abandonne le Tchétchène ou le Tibétain et on choisit l'Irakien, en affirmant vouloir installer la démocratie à la pointe du fusil. Talleyrand eut jadis une belle formule : «On peut se faire un trône avec des baïonnettes m