On les appelle «les architectes de la rue». Ce sont les associations d'aide aux démunis qui les baptisent ainsi. En parcourant les rues, il leur arrive de croiser de plus en plus fréquemment des sans-abri qui tentent de se créer un chez-soi dans l'espace public. Un habitat en miniature, fait pêle-mêle de planches, de cartons, de tôle, pour répondre aux besoins essentiels du quotidien : se mettre à l'abri, dormir, préparer et prendre ses repas, faire sa toilette. Voire se détendre.
Jansen a 51 ans. Depuis quatre ans et demi, cet Allemand vit sous une voûte au bout d'un passage dans le XIe arrondissement de Paris. Il parle tantôt français, tantôt anglais. «It's my sleeping place and my living place» (1), dit-il en montrant un bahut en aggloméré de deux mètres de long et d'un peu plus d'un mètre de large et de haut. Comme toute habitation, sa «petite maison» dispose d'une porte d'entrée deux battants et d'une fermeture un cadenas. Un bout de moquette fait office de paillasson. Jansen reçoit devant chez lui. Il a quitté l'Allemagne parce qu'il «ne [supportait] plus» la vie dans son pays. Employé de bureau dans une usine textile des environs de Düsseldorf, il a tout laissé tomber du jour au lendemain, il y a près de cinq ans. «Je suis allé à la gare. Le premier train partait pour Paris. Je suis monté dedans.» Depuis son arrivée, il vit dans ce passage. Il n'a pas de revenu. Ne touche pas le RMI. Il survit en allant manger dans les restaurants réservés aux sans-abri. Pour la