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Libération

La république des mécontents

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publié le 31 mai 2003 à 23h12

C'est une spécialité française : dans notre doux pays, il n'existe de majorité durable que négative. La France apparaît comme le lieu privilégié de tous les mécontentements, comme la bastille des protestataires, comme la République des «non». L'actualité en offre plusieurs illustrations avec la mobilisation des cheminots contre une réforme qui ne les concerne pas ­ intéressante expérimentation de grève préventive ­ ou avec le rejet d'une réforme des retraites qui figurait en bonne place parmi les engagements électoraux de Jacques Chirac, il y a seulement un an de cela. En 1995, le secteur public avait réussi le mouvement de grève le plus puissant depuis une génération contre un plan Juppé qui contredisait manifestement les promesses électorales de Jacques Chirac. Cette fois-ci, fonctionnaires et salariés des entreprises publiques appellent à la cessation du travail contre un plan Raffarin qui met en oeuvre opiniâtrement les options du chef de l'Etat. Qu'il y ait cohérence ou contradiction, le résultat est donc le même : c'est «non». Ce qui vaut pour la droite s'applique évidemment à la gauche. Les enseignants étaient descendus en masse dans la rue pour s'opposer aux réformes de Claude Allègre, tout comme ils défilent aujourd'hui pour combattre les mesures Ferry. En 1984, la plus grosse manifestation de l'histoire de la Ve République avait réuni dans les rues les défenseurs de l'école privée, approuvés par une majorité de Français dans leur résistance contre les laïcs. Dix an