Samedi
Etat sans visage
Dès le matin : commencer la journée par une question, se la répéter sans cesse jusqu'à ce qu'on comprenne que toute réponse est impossible. Après nous être débarrassés des préoccupations méta phy- siques, voilà trois semaines que mon épouse et moi, nous nous amusons à réunir les documents nécessaires à l'obtention de la nationalité française. Ou tout au moins susceptibles d'enclencher la procédure administrative. La pile de documents est prête. Nous l'envoyons par la Poste : à un état sans visage qui ne désire pas connaître le nôtre. Fallait-il fuir le chaos balkanique pour se jeter dans les bras d'une administration procédurière ? Question vaine, réponse évidente. Là-bas, il est impossible de vivre : pour des gens comme nous, le quotidien est une souffrance et une humiliation permanentes. Ici, le quotidien est supportable, parfois même agréable. Paris offre une place à tous ceux qui n'en ont pas trouvé ailleurs.
Dimanche
Talibans de la morale
«Pourquoi ne pas vous adresser à votre ambassade ?» Comment expliquer que nous n'avons pas «notre ambassade» et que le statut d'exilé n'y est pour rien ? Si «notre ambassade» a renouvelé une partie de son personnel, elle n'en a pas pour autant modifié ses habitudes et ses méthodes. Toujours considérés comme des traîtres, les opposants au nationalisme sont aujourd'hui désignés comme des «talibans de la morale». Ils ne voient ni la victoire ni les succès du «nationalisme démocratique» dont seul Belgrade connaît la dé