Saillans envoyée spéciale
L'objet est là, empilé par centaines d'exemplaires dans le garage d'Annie et Michel, mais personne n'a le droit d'y toucher. Pas même ceux qui l'ont écrit. A l'aise comme s'ils s'étaient quittés la veille, ils se retrouvent pour la photo au pied de la Roche, le nom qu'ils donnent au massif des Trois-Becs. Cette montagne qui domine leur village de Saillans sur la Drôme les a réunis pour une drôle d'épopée : un roman écrit à douze, onze écrivants comme ils se définissent, plus un ethnologue. Certains n'avaient jamais écrit de leur vie, les voici publiés. Pour tous, il s'agit d'une première expériencequi a fait resurgir des épisodes de leurs vies. Chacun s'est construit un personnage qui lui ressemble, double commode pour se mouvoir dans la fiction.
Maguy Aillot, treize idées à la minute, a donc lancé l'affaire. L'idée lui trottait d'écrire sur cette montagne particulière, sur la relation intime que le village et ses ruelles étroites entretiennent avec elle : au lever, les 900 habitants la voient, et sa couleur annonce la météo du jour. A vrai dire, Maguy imaginait plutôt un recueil de textes, un catalogue de «la Roche dans tous ses états». En 1998, dans un atelier de théâtre, elle rencontre l'ethnologue Jean-Yves Loude. Plus tard, elle lui écrit «au culot», lui demandant de l'aider. Il la dissuade de faire un livre régionaliste ou un catalogue mais reste séduit par l'idée. Elle choisit ses dix coécrivains, «dix coups de coeur» qu'elle revendique. «Rien