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Libération
Interview

C'est comme le vol des libellules lorsque vous ne voyez plus que le mouvement

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Jesus Rafael Soto, artiste, l'une des figures majeures de l'art cinétique.
publié le 16 août 2003 à 0h38

Qu'est-ce qui vous a poussé à venir à Paris ?

Au Venezuela, j'avais des amis artistes passionnés par Cézanne, Van Gogh, les impressionnistes, qui étaient déjà très avancés dans le domaine de l'art. Ils m'ont appris à voir la peinture non pas comme une simple représentation mais comme un mode d'accès, un moyen d'appréhension du monde. Lors de mes études à Caracas, de 1942 à 1947, j'avais demandé à mes professeurs ce qui s'était passé après le cubisme, ce que les artistes faisaient depuis. Ils me répondaient qu'ils n'en savaient rien, Picasso excepté car il y avait des publications, qu'ils avaient entendu parler en revanche de l'art abstrait, sans en connaître les caractéristiques. Ensuite, je suis parti enseigner trois ans à Maracaibo. Et là j'ai fait une rencontre qui a marqué toute ma vie artistique. Une cousine d'une de mes élèves avait fait un voyage en Europe et aux Etats-Unis et je l'ai questionnée sur ce qu'elle avait vu. Elle m'a parlé de Picasso, bien sûr, et aussi d'un tableau qui était tout blanc, et que sur ce blanc était peint un carré blanc. Elle m'a dit que ce n'était pas possible, que ce n'était pas de l'art. Et moi, au contraire, j'ai bondi et je me suis dit c'est formidable, voilà quelqu'un qui peint la lumière sur la lumière. C'était une position tout à fait impressionniste mais qui, en même temps, m'introduisait à cette idée d'une forme non représentative. J'ai assez vite fait mes valises pour venir en Europe et voir ce tableau. En fait, je ne l'ai vu que b