On parle beaucoup aujourd'hui du «sensible» dans la culture. Qu'en pensez-vous à propos du musée ? Il en est un lieu électif. Je suis arrivée au musée d'Art moderne sans rien savoir de l'art contemporain, alors totalement déconsidéré à l'université. Mai 68 était proche. Quant aux musées, l'interdit était social. Il était évident pour qui passait par l'école du Louvre, à laquelle n'avait accès qu'une part réservée de la bourgeoisie. J'étais imprégnée de la pensée de Bourdieu, de sa vision du musée forclos comme seuil à franchir. Les musées d'alors ne m'intéressaient pas. J'ai néanmoins passé le concours de conservateur en pressentant une ouverture possible, quelque chose qui comblerait le décalage entre ce que j'avais appris et la déflagration ressentie en regardant un jour, par hasard, des tableaux de Picasso à la galerie Louise Leiris. C'était un déchaînement de liberté que je ne pouvais pas imaginer à travers mon expérience d'étudiante. J'ai eu la chance de travailler avec Pierre Gaudibert, qui créait la section Animation, recherche, confrontation (ARC). Il s'inscrivait dans la ligne des groupes de réflexion sur la culture depuis le Front populaire, l'association Peuple et culture, Malraux et ses maisons de la culture. Parmi ses collaborateurs, tous militants passionnés, le critique musical Maurice Fleuret, par exemple, a introduit la musique contemporaine au musée.
Dans un musée parisien, vers les années 70, l'art contemporain allait-il de soi ?
Pas