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Libération

Je suis un intermittent du cri.

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par Jacques GAMBLIN
publié le 20 septembre 2003 à 1h03

Samedi

Marre des morts

7 h 30. Libération arraché à la volée au kiosque, porte d'Orléans. Première page. Un mort. Ça commence ! Même le samedi, y a des morts. Johnny Cash. 71 ans. Merde ! Encore plus jeune que mon père. Merde. Tiens, si je les comptabilisais ! Il faudrait que les gens sachent combien il y a de morts dans un journal à gros tirage. Avec le chiffre inscrit en première page. Histoire de nous préparer au pire. Un page 1, trois page 4, douze page 7, vingt-neuf page 15... On arrive à soixante-douze au total. C'est trop ! C'est trop de morts. J'en ai marre de tous ces morts ! Tant pis je vais crier. Je vais gueuler. Me libérer de tous ces morts afin d'apaiser l'écriture pour le dimanche.

Je rêve d'un journal où la place des morts serait plus petite que celle des vivants. Où celle des escrocs serait plus petite que celle des honnêtes gens. Et qu'on ne me dise pas que c'est un discours de droite, de demi-centre, de centre gauche, de presque gauche ou d'extrême centre. Qu'on ne me dise pas que je fais ma Mère Teresa ou ma Soeur Gabrielle, je gueule, c'est tout. C'est rare et ça me fait du bien. Je rêve d'un journal où la place pour le joli serait plus importante que pour le moche. Parce qu'à force d'avoir de la merde devant les yeux, on ne se rend même plus compte que ça pue. J'ai fait un test une fois. A l'enfant qui me précédait sur son petit vélo bleu, j'ai dit quelque chose de très bête du genre «dis donc, tu roules bien sur ton petit vélo bleu». Le résultat n'a pas t