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Libération

Tout va bien.. tout va mal.

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par Pierre CHARRAS
publié le 4 octobre 2003 à 1h15

Samedi

Cauchemar

«Bonjour, il est 8 heures...» La voix enjouée s'échappe du radio-réveil. J'ouvre les yeux. C'est aujourd'hui. Ma chronique commence aujourd'hui. Il ne s'agit pas de laisser filer l'actualité, l'événement. J'écoute. Le journaliste continue : «Tout va bien. Détendez-vous. Il n'y a aucune nouvelle marquante. Voici un peu de musique.»

Comment, aucune nouvelle ! Je change de station. Partout de la musique. Plus surprenant encore, partout la même musique. Enfin, musique est un bien grand mot. Il serait plus juste de parler d'une ambiance. Comme dans un bar, un ascenseur, un supermarché.

Je saute du lit, me coupe en me rasant, me brûle la langue avec le café, dévale l'escalier. Sur le trottoir d'en face, le marchand de journaux est sur le pas de sa porte. Il a l'air furieux. «Vous vous rendez compte, me dit-il. Comment voulez-vous que je gagne ma vie, dans ces conditions ?»

Et il me montre son présentoir. Tous les quotidiens sont bien là, mais au-dessous du titre il n'y a que du blanc. Pas un seul article, pas une seule information, rien. C'est comme si la censure était de retour en très gros sabots. Je suis atterré. «Tout va bien.» C'est horrible. Justement le jour où je dois débuter ma chronique. Je traverse la rue, perdu dans mes sombres pensées. Je n'ai pas vu la voiture qui me fonce dessus dans un grand hurlement de freins. Je vais mourir. Qu'est-ce qu'ils vont dire, au journal ?

«Bonjour, il est 8 heures.»

La voix enjouée s'échappe du radio-réveil. J'ouvre les yeux.