Comment devient-on historienne ? Par hasard. Ou plutôt par rencontres, des professeurs, des proches, des amis, qui chacun peuvent vous donner l'envie de faire de l'histoire. Je pense que tous ceux qui font de l'histoire, même s'ils n'en sont pas conscients, ont un rapport fort avec le «définitivement séparé», avec ce qui n'est plus, la mort, le défunt. Même si ce rapport peut être vif et vivant. C'est ce que l'historien découvre très vite en lui : sa vocation réside dans ce désir de retourner vers la vie qui n'est plus. L'historien parle très exactement de cela : faire advenir les vies défuntes dans le présent, voire les projeter vers le futur.
Cette envie de ressusciter les morts n'est-elle pas liée aussi à l'élucidation d'une enquête, au désir d'être le premier à prouver un fait ?
L'historien est sûr de trouver du nouveau dans le passé. Il en est certain, c'est son stimulant. Les quatrièmes de couverture des livres d'histoire sont explicites : «On n'avait pas encore vu que...», «Voici la preuve que ce qu'on ignorait existe bel et bien...». Ce désir de découvrir, de prouver, s'inscrit dans une pratique sociale qui, au sein de la corporation et vis-à-vis du public, amène tout historien à convaincre, séduire, faire comprendre, plaire. C'est à ce moment que l'historien devient ce qu'il refuse souvent d'admettre, par prudence et rigueur : il est bel et bien un écrivain. Il faut plaire aux pairs pour progresser dans la carrière, ensuite plaire aux éditeurs et aux amateurs d'histoi