Comme pour les présidents, c'est un exercice obligé (et souvent rémunérateur) pour les secrétaires d'Etat américains que d'écrire leurs mémoires. Henry Kissinger, par exemple, en aura usé et abusé au moins jusqu'à l'année dernière, moult fois sur le métier remettant son ouvrage, souvent pour se justifier a posteriori face à de nouvelles accusations.
Les mémoires de Madeleine Albright la première femme, par la grâce de Bill Clinton, à occuper de telles fonctions aux Etats-Unis sont d'un genre moins savant, même si les itinéraires des deux personnages ont bien des points communs. Tout autant autobiographie que bilan de ses quatre années passées aux Nations unies où elle représentait son pays avec rang de membre du cabinet (1993-1998) et de son mandat de chef de la diplomatie américaine (1998-2002). C'est ce qui fait l'originalité et l'intérêt d'un ouvrage étonnant de franchise. La vie de Mme Albright est un vrai roman, une histoire typiquement américaine. Rien ne prédisposait c'est le moins qu'on puisse dire la jeune Marie Jana Körbel, née à Prague en 1937, à diriger un jour la politique étrangère de la plus grande puissance du monde.
Le paradoxe c'est qu'elle le doit aux frères ennemis que sont le nazisme et le communisme. Ce sont les accords de Munich qui poussent son père, jeune diplomate tchèque admirateur de Tomas Masaryk, à s'enfuir en Grande-Bretagne jusqu'en 1945 et c'est le «coup de Prague» communiste qui va le convaincre de s'exiler définitivement aux Etats-Uni