Le rapport Debray et la création d'un Institut européen en sciences des religions auprès de l'Ecole pratique des hautes études (EPHE) ont officialisé une volonté politique : celle de renforcer l'enseignement du «fait religieux» au sein de l'école de la République. Comment expliquez-vous ce tournant ?
Jean-Christophe Attias : On verra si la volonté politique affichée marque un tournant dans le concret. La nécessité d'un renforcement de l'enseignement du fait religieux à l'école est actuellement largement admise. Et cette prise de conscience ne date pas d'hier. Qu'on songe seulement aux recommandations du rapport Joutard, remis à Jospin en 1989 déjà. L'école est là aussi pour aider les jeunes à se situer dans le monde. Elle ne peut donc faire l'impasse sur un héritage religieux qui a façonné et continue d'inspirer en profondeur la littérature, l'art, l'architecture, la sociabilité et les combats de l'univers où nous vivons. Notre laïcité même est fille de ce patrimoine ! Le sentiment actuel d'urgence vient d'ailleurs. Le religieux a, en effet, massivement réinvesti le champ politique, l'islamisme radical n'en étant que l'une des facettes. Et les revendications «communautaires» ce qu'on appelait hier le droit à la différence prennent aujourd'hui un tour souvent religieux.
Esther Benbassa : Plus globalement encore, nos sociétés sont travaillées par une demande diffuse de religieux. L'engouement pour les traditions asiatiques ou le New Age en est un signe. Chez les jeunes, musu