Lyr (Suède) envoyé spécial
Attention, sous ses airs anodins, cette femme veut révolutionner la planète Mort. Nous transformer en rhododendrons ou en marguerites type «cadavres exquis». A coups de râteau énergiques, Susanne Wiigh-Mäsak touille, malaxe et moleste son compost. On y devine des restes de salade, des filtres à café noyés dans une masse brunâtre striée de vers de terre roses. La forte odeur d'humus, signe de bonne santé, paraît la ravir. Susanne Wiigh-Mäsak se redresse fièrement. «Le corps humain est lui aussi un compost. Pour bien fonctionner, il a besoin d'une certaine température, d'un certain taux d'humidité, d'oxygène et de nourriture.»
Nous sommes sur la petite île de Lyr, 200 habitants, à une heure au nord de Göteborg, sur la côte ouest de la Suède. Le compost repose au fond d'un jardin, non loin d'une serre fleurie et d'une maison en bois qui accueille la boutique de produits bio de Susanne, la seule épicerie de l'île. La nature est idyllique, préservée, verte et rocheuse. Mais derrière la blonde Susanne, 48 ans, jeans et tee-shirt blanc, se cache une walkyrie prête à emmener les humains dans son Walhalla, le palais des morts de la mythologie nordique. Un journaliste de Chicago qui l'a interviewée s'est exclamé : «En Amérique, votre maison aurait déjà été incendiée !» Mais nous sommes en Scandinavie et les Suédois se flattent d'une approche plus pragmatique des choses de la vie.
A force de bichonner son compost, Susanne Wiigh-Mäsak a eu, il y a quelques années