Kidnappings, meurtres, assassinats, le travail des humanitaires n'a jamais été si exposé en Afghanistan, en Irak, dans le Nord-Caucase... Rony Brauman et Hugo Slim débattent de l'indépendance des ONG, une question qui sera au centre de la problématique humanitaire dans les années à venir. Leurs différences d'approche traduisent aussi l'écart qui sépare l'école des French doctors de leurs homologues anglo-saxons.
Croyez-vous à l'indépendance des organisations humanitaires ?
Hugo Slim. La plupart de ce qu'on appelle les «organisations humanitaires» sont bien davantage que des véhicules pour apporter des secours d'urgence. Elles interviennent auprès de populations au nom de certaines valeurs : le droit à la santé, à l'égalité des sexes, à l'éducation, le droit au développement, à la démocratie. Cela représente leur vision d'une société moralement juste. Je ne parle pas du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui est une exception : il intervient dans les conflits armés avec un mandat très spécifique. Mais la plupart des ONG ne sont pas du tout comme le CICR : elles interviennent au nom de valeurs démocratiques, ces mêmes valeurs qui fondent l'action de nos gouvernements occidentaux. Cette identité des valeurs et des moyens puisque les gouvernements occidentaux les financent et entreprennent eux aussi des actions humanitaires devrait les conduire à en tirer toutes les conséquences qui s'imposent. Au lieu de chercher à proclamer une indépendance illusoire, pourquoi n'