SAMEDI
Le chantier de Nazim Hikmet
Nazim Hikmet est né le 15 janvier 1902 à Salonique dans une vieille famille de dignitaires ottomans, il y a donc jour pour jour cent trois ans. «La vie est peut-être plus courte qu'il ne faut / peut-être plus longue», disait-il dans un poème écrit à la prison de Bursa où il passa les plus belles années de sa vie. Par rapport à l'engagement politique de sa jeunesse auquel il resta fidèle jusqu'au bout (rappelons les vers qui ponctuent la fin de son roman autobiographique, Les romantiques : «Je suis communiste/Je suis amour des pieds à la tête!»), on peut dire qu'il n'a pas vécu plus qu'il ne faut. Il est mort en exil à Moscou, «ville blanche de ses rêves», six ans avant le printemps de Prague et vingt-six ans avant la chute du mur de Berlin. Dans son fameux poème Autobiographie, il n'hésita pas à dire haut et fort : «On s'est efforcé de me détacher de mon Parti, ça n'a pas marché/Je n'ai pas été écrasé sous les idoles qui tombent.» Ces idoles ne l'ont pas écrasé car il joignit le camp antistalinien seulement après le 20e congrès du Parti communiste soviétique tout en faisant confiance aux nouveaux dirigeants et à leur façon de construire le socialisme. Certes, il était conscient de la difficulté de la tâche et n'a pas hésité à l'exprimer : «Ils chantent, les maçons/mais construire, ce n'est pas une chanson/C'est une affaire un peu difficile/Difficile ou pas/Le bâtiment s'élève, s'élève.»
Le bâtiment s'est écroulé aujourd'hui et sur ses décombre