Parfois, à Iquitos, le ciel tombe sur les têtes. Alors la pluie ne veut jamais s'arrêter, juste pour le plaisir de cogner jusqu'à la fin des temps. Mais, au coeur de l'Amazonie, patience est synonyme d'existence. Les habitants d'Iquitos se réfugient sous un porche ou une devanture. Ils attendent, et la pluie est toujours perdante. Mais elle reste méchante, car elle a chauffé le bitume et les moteurs des moto-taxis : il faut alors des machettes pour couper l'air épais comme du caoutchouc.
La ville péruvienne d'Iquitos, au bord de l'Amazone, à plus de 3 700 kilomètres de l'embouchure du fleuve, est la capitale de la région de Loreto, qui s'étend sur l'équivalent de la moitié de la France. Généralement, les touristes ne font qu'y passer avant de se lancer dans des excursions dans la selva, la forêt amazonienne, ou sur le fleuve lui-même. Pourtant, Iquitos gagne à être arpenté. Fière sans être hautaine, la ville assume sa décadence.
Au XIXe siècle, «l'arbre qui pleure» est devenu un négoce international
Ce fut une des plus riches cités du continent, mais c'est une vieille histoire. A la fin du XIXe siècle, sur le Malecón, l'avenue qui domine le fleuve, «on voyait des caisses entières de billets de livres sterling [la monnaie internationale de l'époque]», raconte un chroniqueur. La ville compte alors près de 10 000 habitants. Cinquante ans plus tôt, en 1842, au détour d'un décret, le gouvernement péruvien découvre le «village d'Iquitos», dont la population est estimée «à une centain