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Libération

Black Ophélie à la dérive

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publié le 3 septembre 2005 à 3h31

Puisque déluge il y a, c'est, pour nous autres, une image biblique. A plus d'un titre. D'abord par son hors-champ. On note en effet que l'ouragan Katrina qui a dévasté le sud-est des Etats-Unis porte un prénom de femme. Au fin fond de l'inconscient des météorologues, il doit bien y avoir comme une remontée d'Ancien Testament pour qu'ils aient si longtemps baptisé les ouragans du nom d'une descendante d'Eve, première calamité «naturelle» d'où, les exégètes sont formels, procédèrent tous les malheurs du monde. Katrina, cette salope.

Tout aussi chrétiennes, les spéculations qui doivent déjà faire florès sous le crâne des fondamentalistes religieux américains. Quelle aubaine que les trombes d'eau ayant submergé leur pays, pour peu qu'on les envisage comme un jugement sévère de Dieu, qui, par un effet «deux en un» bien connu des lessives, essore les pécheurs tout en lavant leurs fautes.

Mais le bienfait intrinsèque de cette image malheureuse, c'est qu'elle outrepasse toute parabole religieuse. Littéralement, cette image a le blues. Bien évidemment parce que c'est une femme noire qui y patauge. Tout en maintenant en sa détresse une incroyable beauté et dignité, black Ophélie à la dérive.

Comme si cette habitante de la Nouvelle-Orléans, nécessairement descendante d'esclaves, à sa façon lessivée par le fleuve mercuréen, avait cessé d'être américaine pour redevenir africaine, son fichu noué évoquant plus le marché de Bamako que le supermarket de Louisiane. Autant en emporte le flot ?

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