Samedi
Tapis de plage
Trois plans successifs de protubérances plus ou moins osseuses (épaule, hanche, genou replié). Et au-delà, dans le V ouvert entre mes orteils droits et la verticale du parasol, sur fond de golfe Passagétique, les monts de Magnésie dissous dans la brume de chaleur, my Best Beloved nous chante une de ses chansons longues comme ça. Il y est question d'un prince charmant qui part à la guerre et qui fait des courses, ou le contraire, ce n'est pas très clair.
A côté, une bande d'adolescents écoute du rap grec. Deux des garçons grimpent sur un rocher, allument une cigarette et se moquent bruyamment d'un couple étroitement enlacé dans l'eau, une grosse dame en rose fluo et son amoureux aux épaules velues, coiffé d'un petit chapeau de paille. D'en bas, les filles lancent des cailloux aux garçons. Arrivent deux mecs plus âgés, musclés, lunettes de soleil bombées, moulés dans des maillots de bain noirs à fines rayures blanches. Les filles courent en riant se baigner avec eux. Les deux sarcastiques restent sur leur rocher, silencieux. Ils regardent ailleurs. Ça ressemble au Kusturica de Te souviens-tu de Dolly Bell ? ou de Papa est en voyage d'affaires. Je ne sais pas pourquoi, quand quelque chose m'émeut, ces temps-ci, je pense plus souvent à un cinéaste qu'à un écrivain. Kaurismaki, par exemple, qui filme les visages, les mouvements des corps avec un art si mystérieusement simple qu'une force comique rayonne de ses plus sombres «mélos», la Fille aux allumettes ou, b