Samedi.
Frontières.
A neuf heures, première réunion de l'année à l'école maternelle de mon fils. A la frontière entre le IVe et le Ve arrondissement de Marseille. Sur une butte. Marseille est une ville à buttes et une ville frontière. C'est son charme. Un danger aussi. Le nom de l'école ? : Saint-Vincent-de-Paul. Au XVIIe, ce Dacquois s'occupait des enfants pauvres et créa l'institution des enfants trouvés. Donc perdus. L'enfance est aussi une frontière. Une frontière qui nous poursuit notre vie durant. C'est concret, c'est abstrait ; elle arrive tôt ou tard ou jamais ; ça va et ça vient ; molle, dure ou entre les deux, comme certains fromages. Notre enfance ; celle d'autrui. Une statistique : 30 000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque jour dans le monde. Pour eux, le monde est aussi une frontière. Entre le néant et le néant. Une réalité toute proche : les vingt-huit enfants d'une classe de maternelle, dont le mien, qui attend mon retour et qui ne l'attend pas. Aujourd'hui, cela fait aussi trente-cinq ans de mes débuts professionnels en France. Comme veilleur de nuit à l'hôtel Poussin, près du bois de Boulogne. Passablement ému, je me laisse aller à la nostalgie. Lorsque les chambres n'étaient pas louées, je devais les mettre à disposition des quelques péripatéticiennes du quartier qui, en fin d'après-midi, tapaient la belote avec la patronne en buvant un pastis. Parfois, in extremis, elles m'appelaient de la chambre, au premier étage, pour que je leur monte un préserv