Londres envoyés spéciaux
La première fois que Iain Sinclair a grimpé sur la colline, c'était en 1969. Depuis, l'écrivain obsédé de géographie urbaine est revenu à intervalles réguliers sur ce vestige d'une usine à gaz, au sous-sol pourri à l'arsenic pour des millénaires. C'est comme un livre ouvert, aux frontières de la ville. «Rester sur le même lieu pendant de longues périodes permet de voir comment la ville respire et se transforme», dit Sinclair, un de ces «cockneys visionnaires» comme les appelle Peter Ackroyd, un de ces écrivains qui déchiffrent le futur urbain en s'appuyant sur leur connaissance de la ville. Du sommet de la colline, il contemple Londres dont le coeur bat à six miles (environ 10 km) devant lui, vers l'ouest. Arthur Rimbaud, déjà, avait trouvé l'inspiration de son poème Villes, élégie à la modernité urbaine, du haut d'une colline de l'est de la capitale anglaise. Etre sur ce pinacle pelé, c'est comme se situer entre le vieux Londres et son futur.
En plus de trente ans, la ville a copieusement grignoté ses alentours. Les champs qui environnaient l'observatoire ont pour ainsi dire disparu. A droite, l'autoroute A13, file continue de voitures, prend de la hauteur pour narguer le cimetière de Stratford. A gauche, on distingue des avions décoller du City Airport. Au pied de la colline, des lotissements flambant neufs. «On crée des logements dans des lieux où il y a du bruit, de la poussière, où il n'y a ni boutiques, ni hôpital, ni écoles», remarque l'écrivain