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Libération

Le flou qui fuit

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publié le 12 novembre 2005 à 4h32
(mis à jour le 12 novembre 2005 à 4h32)

Les photographies de Gilles Deleuze ne sont pas si fréquentes et celle-ci mérite qu'on s'y arrête. Que nous vaut ce regain de visibilité ? L'actualité de plusieurs publications consacrées à Deleuze. Du coup, il faut, comme on dit, illustrer. Ou, ce qui n'est déjà plus la même chose, illustrer une pensée. Cette image heureuse fait bien l'affaire. Qu'est-ce qu'on y voit ? Que le philosophe, contrairement à Diogène, allait plutôt (bien) habillé que nu, que sa mise (pantalon légèrement pattes d'eph) est d'époque (1972), qu'il fumait, ce qui, à sa façon, est aussi d'époque, qu'il était plutôt bel homme, etc.

Mais ce qui fait divaguer dans cette image, ce n'est pas ce qu'on y voit mais plutôt ce qui, par-delà son sujet officiel, se dérobe. Par exemple les plantes en pot. Et tout ce pavement qui occupe la majorité du champ. Quelque chose sûrement d'une arrière-cour vieille France et parisienne. Qui pourrait être celle de l'hôtel particulier où Charlus et Jupien dans la Recherche se butinent. Ce croisement des insectes et des végétaux auquel Deleuze (in Proust et les signes) consacra de belles pages transsexuelles. Mais ce qui met surtout en transes dans cette image, c'est la silhouette d'enfant au premier plan. Dont il importe peu qu'elle soit celle d'Emilie Deleuze, la fille de Gilles, devenue depuis cinéaste. La turbulence d'une enfant, le sourire ému du paternel ? Il faudrait être pauvre d'esprit pour s'arranger d'une interprétation aussi rabat-joie. Même si la scène familiale es