Playa Girón envoyé spécial
Il y a une baie mais pas de cochons. Il y a surtout des crabes sur la route qui relie Playa Larga et Playa Girón, avec la baie d'un côté et les marais, les lagons, les mangroves, de l'autre. En avril-mai, en période de reproduction, ils sont des milliers, paraît-il, à traverser la route à la tombée de la nuit. Leurs carapaces craquent alors sans cesse sous les pneus, tout au long du chemin.
«Entre nous, cette vieille histoire, c'est quand même pas la bataille du siècle»
De chaque côté de la route, à intervalles irréguliers, des stèles indiquent les endroits où sont tombés les 143 miliciens et militaires cubains qui ont combattu la tentative d'invasion de l'île organisée par la CIA, en avril 1961. Echec total, puisque l'opération ne revint qu'à renforcer le régime de Fidel Castro, qui avait pris La Havane deux ans plus tôt. Le Líder Máximo est alors ravi d'annoncer «la première grande défaite de l'impérialisme yankee en Amérique» et, dans la foulée, «l'irréversibilité du processus révolutionnaire». Deux sentences reprises avec bien d'autres contre les «bandits mercenaires» ou la «bourgeoisie assassine» au musée Playa Girón planté au bout de la «route des crabes». Une grande salle, d'une cinquantaine de mètres sur dix, où somnolent trois fonctionnaires aux visages fermés par des années d'ennui. On y trouve des photos d'époque, des croquis de la bataille, certaines des armes utilisées (mortiers, mitrailleuses, canons...) et les reliques des combattan