On nous a tellement fait croire et même jurer qu'il n'y avait pas de photographies des victimes des attentats du 11 septembre 2001, on nous a si longuement expliqué que même si ces images existaient, qui plus est in situ la catastrophe, la «pudeur» des médias et le droit des familles empêcheraient qu'on ne les voie jamais. Du coup, on est un rien étonné de voir celle-ci. Jusqu'à douter de son existence, jusqu'à se demander si elle n'est pas une fiction (en attendant que s'écroule sur nos têtes le film World Trade Center d'Oliver Stone), voire une performance d'artiste à la façon d'un Eric Baudelaire reconstituant en photographies des scènes de guerre (Libération du 7 septembre).
Or non, c'est vrai, sauf à preuve du contraire. Mais l'incrédulité propre à cette image tient surtout à sa banalité. Même s'il est de secours, ce n'est pas comme ça qu'on imaginait un escalier du prestigieux World Trade Center. On pourrait plutôt se croire dans la cage d'escalier d'une HLM ou d'un squat lors d'une expulsion aux lacrymos par notre police française. Cette familiarité (décevante ?) est augmentée par la proximité du photographe à ses sujets, qui fait que bien qu'on ne connaisse pas ces personnes, on peut les reconnaître à défaut de leur ressembler, et imaginer des vies particulières derrière leurs visages singularisés.
Se demander par exemple si la jeune femme blonde à l'arrière-plan a bien pensé à éteindre son ordinateur et à relever ses mails (ce fut, dit-on, le souc