Mer d'Aral (Kazakhstan) envoyée spéciale
La scène a des allures de pêche miraculeuse. En équilibre précaire sur leur minuscule barque en bois, une paire de rames et un filet maintes fois rapiécé pour tout équipement, les pêcheurs se lancent par groupes de deux à l'assaut des flots. Leurs traits sont tirés par les heures de travail enchaînées de jour comme de nuit, les visages sont brûlés par le soleil, et les muscles souvent tétanisés par l'effort physique. Mais la récompense est au bout des filets : en quelques heures, les fonds des barques se recouvrent de poissons argentés, certains aussi grands qu'un torse. Il pourrait s'agir d'une banale journée de pêche dans une mer très poissonneuse. Mais la scène se déroule sur la mer d'Aral, une «mer morte» depuis plus de trente ans, victime de l'une des plus grandes catastrophes écologiques du XXe siècle (lire page 38).
Pêcheurs de père en fils
Pour les pêcheurs kazakhs du nord de la mer d'Aral, le miracle est apparu sous la forme d'un barrage. Partiellement financé par un prêt de la Banque mondiale, le barrage de Kok-Aral s'étire sur treize kilomètres, longue digue construite sur le point le plus étroit de cette mer dont l'assèchement a provoqué la scission en deux bassins : la Petite Aral au nord, la Grande Aral, au sud. Achevé il y a bientôt un an, en octobre 2005, il a permis à la Petite Aral de remonter de plusieurs dizaines de kilomètres en six mois. Depuis, «tout a changé», constate Murat Tajibaïev, un pêcheur venu de Ka