Qui a le droit de dire du mal de la justice ? Certainement pas Nicolas Sarkozy dans les termes qu'il a employés. En vérité, tout le monde pense du mal de la justice (les justiciables, les avocats, les magistrats eux-mêmes que le budget de leur ministère ne satisfait pas), mais personne ne peut l'exprimer. De ce point de vue, on comprend l'agacement du ministre de l'Intérieur, car la police n'est pas aussi bien protégée. Critiquer une décision de justice est condamnable, il y a de fait une loi contre la jugeophobie. Mettre la justice en cause, on dirait un blasphème laïque. C'est comme si, quand on se plaignait dans un restaurant, le patron pouvait nous répondre : «Quoi, il n'est pas bon, mon hamburger ? 3 000 euros d'amende pour l'avoir prétendu.» Pourtant, on reproche tout et son contraire à la justice. Aujourd'hui, certains s'élèvent contre son laxisme, alors que c'était plutôt sa sévérité qui était en cause au moment du dernier procès d'Outreau. Il y a une différence entre le symbole de la Justice, idée qui recueille l'agrément général, et le concret de son travail, qui ne plaît à personne. Mais même le symbole s'est un peu emmêlé les pinceaux : tenir la balance quand on est aveugle, on ne tolérerait pas ça de son épicier.
On ne cesse de vouloir réformer la justice pour qu'elle soit plus juste, signe qu'elle ne l'est pas assez. Là aussi, on aimerait que les arbitres aient la vidéo avant de prendre leurs décisions. Quand on dit qu'elle est trop lente, c'est pour lui reproch