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Libération

L'oeil de Moscou

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publié le 30 septembre 2006 à 23h29

C'est un portrait qui trouble ce qu'on imaginait de l'homme qui s'y prête. Dimitri Chostakovitch, musicien et compositeur, dont le centenaire de la naissance donne lieu à concerts et publications (Libération du 25 septembre). Cet homme était donc né en 1906. La photo date de 1958. Quel effet cela faisait-il d'avoir 52 ans en 1958 ? Le même que d'avoir 52 ans aujourd'hui ? Chostakovitch ou pas, avait-on alors l'impression d'être déjà vieux ? Ce qu'indiquerait le léger voile de lassitude dans le regard. La légende de la photo ajoute qu'elle a été prise en mai, à Paris, dans un studio d'enregistrement de la firme Pathé Marconi. Chostakovitch s'intéressait-il au retour du général de Gaulle ? A la guerre d'Algérie ? Ou le monde n'est-il qu'une tempête dont son oreille musicienne ne veut pas entendre le vacarme ?

Une sorte de splendide isolement, exagéré par la mise en scène «moi, mon piano» du portrait.

Mais le costume du maître instille le doute que cette indifférence est sans doute un travestissement. Sa coupe, son ampleur, qui citent le style «comité central» popularisé par le camarade Khrouchtchev, tsar rouge alors au pouvoir. Ce n'est pas un Russe qui pose mais un citoyen soviétique.

Et on se dit que ces yeux-là sont en âge d'avoir vu la révolution de 1917, le rêve bolchevique et les cauchemars qu'il enfanta. Qu'ils ont lu aussi en 1936 la Pravda, la triste «Vérité», qui l'accusait de «formalisme bourgeois».

Mais aussi, dans les années 50, toujours au nom de