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Libération

Un bouquet de possibles

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par Pierre Péju
publié le 30 septembre 2006 à 23h29

SAMEDI

Pétales de rose et typhoïde

A l'aube, je fais ce geste, quotidien et tellement simple, qui consiste à ouvrir d'un coup les volets, et à demeurer quelques secondes, bras en croix, buste penché en avant, le visage offert à la lumière d'un jour nouveau. Ciel voilé, nuages gris blanc qui s'accrochent aux montagnes, mais fraîcheur inattendue après une semaine trop chaude. Ma maison s'ouvre de plain-pied sur le jardin. Je constate que, dans la nuit, de lourdes gouttes de pluie ont arraché les pétales des dernières roses, déjà très ouvertes, décolorées, mourantes.

Dans le chuintement de la machine à café, la radio diffuse en boucle, et avec insistance, la vraie-fausse nouvelle de la mort d'Oussama ben Laden. Info ou intox ? Que Ben Laden soit mort, qu'est-ce que ça change ? Ben Laden n'est que le nom d'une marque de produits terroristes dont on fabrique partout des contrefaçons. Sur toutes les stations, on répète qu'il serait mort de la typhoïde ! (Un homme capable de jeter des avions sur des tours peut donc boire de l'eau croupie...) Avant de m'installer à ma table de travail, pour écrire, je consulte l'article «typhoïde» dans le dictionnaire médical. J'ai alors la vision suivante : sur l'image des ruines carbonisées et enchevêtrées du World Trade Center, je vois se superposer, en lettres fluorescentes, les termes dans lesquels le dictionnaire parle de la typhoïde : «maladie strictement humaine»,«dissémination de bacilles»,«fièvre et saignements»,«pouls