Il y a deux moyens d'utiliser une carte électorale quand on est révolté : la déchirer, ou bien la prendre. Certaines années, c'est la première solution qui était à la mode. La carte n'est pas plastifiée, ce qui facilite l'opération. Le geste doit être dramatique et peut être ponctué par un propos solennel du type «élections, piège à cons».
En 2006, le réflexe était plutôt de prendre sa carte. De toute façon, les révoltés actuels, ceux qui brûlaient des autos à l'automne 2005, ne pouvaient pas la déchirer, vu qu'ils n'en avaient pas. Dans les «quartiers», le nombre des inscrits sur les listes électorales ne dépasse pas 30 %. C'est là le coeur du problème, ont raisonné des militants associatifs intelligents. Abstention, piège à con. La carte, ont-ils expliqué, c'est léger, gratuit, servi à domicile et cela peut décider du destin d'une nation. Ils ont fait leur compte : quelques centaines de milliers de nouvelles cartes (peut-être), dans une élection qui se joue parfois à quelques dizaines de milliers de voix...
Soutenu par le rappeur Joeystarr et l'humoriste Jamel Debbouze, le collectif «Devoirs de Mémoires» a appelé les jeunes des quartiers à sortir de l'invisibilité électorale. Des militants de «Mouvement pour une citoyenneté active», des étudiants de sciences po, sont parti sillonner les banlieues, portant une carte d'électeur en collier, et des panneaux «Je vote, donc j'existe». Une radio hip-hop, Générations, a offert un concert à la ville qui aurait inscrit le plus