Menu
Libération

Je m'interroge sur Bayrou

Article réservé aux abonnés
par Emmanuel Carrère
publié le 24 mars 2007 à 6h48

SAMEDI

Dépucelage civique

Je n'ai jusqu'à présent jamais voté, jamais été inscrit sur les listes électorales. Je n'avais aucun argument pour justifier cette abstention systématique, que je trouvais injustifiable et, quand on parlait politique, je me taisais, un peu honteux. Sophie avait une théorie à ce sujet : si je ne votais pas, c'est parce que j'aurais voté à droite et que je ne voulais pas voter à droite. L'année dernière, sous l'influence d'Hélène, je me suis inscrit, et il y a deux mois encore je me lamentais en disant que c'était dur, pour un dépucelage civique, d'avoir à choisir entre Sarkozy et Royal. A ce moment-là, tout le monde disait que la campagne était nulle. Maintenant tout le monde s'accorde à la trouver passionnante et on parle beaucoup de politique, moi le premier. Cependant, je ne sais toujours pas pour qui je vais voter. Ne pas savoir pour qui on va voter, ça veut dire être tenté de voter Bayrou. Certains de mes amis sont dans mon cas, d'autres plaident pour Royal, ce qui est normal parce que je vis dans un milieu plutôt de gauche, mais quelques-uns, dans ce milieu, n'excluent pas de voter Sarkozy et, comme je suis facilement de l'avis du dernier qui a parlé, je ne l'exclus pas non plus ­ bien que les chances soient minimes. Sans être certain d'avoir envie que Bayrou devienne président de la République, j'ai envie qu'il continue à monter. Pour voir jusqu'où. Pour voir ce qui se passera. Tous les gens pas fixés comme moi ont envie de ça, j'ai l'impression