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Libération

Privé de désert

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publié le 2 juin 2007 à 8h06

Sous le choc de sa vision, un correspondant particulier nous écrit : «Cette photo est déjà découpée, posée sur mon bureau, et je le regarde, comme il nous regarde, avec envie et insolence.»

Voilà en effet un portrait de Bernard-Marie Koltès qui change tout au procès intenté par l'administrateur de la Comédie-Française contre François Koltès, ayant droit de feu son frère, qui estima que confier le rôle d'Aziz à un acteur non arabe dans la mise en scène récente du Retour au désert portait préjudice aux instructions du dramaturge décédé.

A voir le mort, on l'entend d'outre-tombe, par l'interstice de ses lèvres entrouvertes, nous souffler que cette exigence d'un Arabe dans la peau d'Aziz n'est pas raciale, ni raciste à rebours, mais conforme à l'esprit des lois de son oeuvre si attentive et tendre envers les «nègres» et les «bicots». Cette image donne donc envie de lire, relire et méditer les écrits de Bernard-Marie Koltès.

L'image dit aussi que Koltès était beau comme un frère caché de l'acteur bouclé Pierre Clémenti, issu de Lou Reed avant l'imposture, époque tout cuir ­ Transformer (1972). «Comme une liberté, un certain flou, loin de notre époque si lisse, si propre», aurait dit notre correspondant particulier.

B.-M. K., mort trop tôt (1989) pour être vieux, dégradé, atteint. Cette image est aussi une machine célibataire façon Duchamp, un fiancé mis à nu, car on voit que le jeune homme porte une alliance au petit doigt de la main gauche. Qui fut