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Belles maths innées

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Depuis des siècles, à Madagascar, des devins analphabètes lisent l'avenir grâce à des formules complexes découvertes tardivement en Occident. Ces «mathématiques naturelles» interrogent le lien entre intuition logique et maîtrise de l'écriture.
publié le 16 juin 2007 à 8h20

Tuléar, troisième port de Madagascar, à proximité de l'embouchure du Fiherenana, dans le sud-ouest de l'île. Dans cette région touchée par une sécheresse chronique, les migrants affluent vers la ville. En quelques décennies, la population a quadruplé pour atteindre plus de 400 000 habitants. Tuléar a avalé ses villages voisins, leurs commerces, leurs marchés et... leurs marabouts. Njarike en est un, qui voit défiler les mille et une petites misères quotidiennes des habitants : peines d'amour, affaires en détresse, troupeaux décimés... Dans son échoppe située un peu en dehors de la ville, il exerce le sikidy, l'art divinatoire malgache. C'est là que Marc Chemillier et son amie Lanto Raonizanany viennent le retrouver depuis plusieurs années déjà. Ils arrivent avec, pour sa famille, un présent, et pour lui, des liasses de feuilles noircies de tableaux de points. La visite terminée, le devin leur prête, pour photocopie, un gros cahier écorné et jauni : le grimoire qu'il consulte pour chaque client, son outil de travail. Pour Marc Chemillier aussi, c'est un outil de travail. Il est mathématicien et musicien, maître de conférence à l'université de Caen et chercheur à l'Ircam(1). Depuis sept ans, il étudie les mathématiques utilisées dans les arts des sociétés sans écriture.

Curiosité et méfiance. Dans les cahiers de Njarike, le néophyte ne voit que des points, plus précisément des tableaux de seize ronds alignés tantôt deux par deux, tantôt un par un, sans commentaire ­ Njarike ne