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Libération

Tourner la terreur en dérision

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par Jean Daniel
publié le 1er septembre 2007 à 9h28

Samedi.

Enivrantes corridas

En surtitre d'un article sur la corrida, je lis cette phrase de Montherlant : «La corrida m'a révélé que l'on peut être enivré par une bête en même temps qu'on la tue, que l'on peut ad absurdum adorer la vie qu'on lui ravit.» Magnifique et redoutable. Adorer la vie que l'on ravit, c'est le tragique. Montherlant, dans les Bestiaires (1926), célèbre la corrida comme une cérémonie sacrificielle que, d'ailleurs, il va finir par qualifier de «muflerie et sauvagerie». Montherlant, qui le lit encore ? Il a précédé Michel Leiris (Miroir de la tauromachie, 1938) et Jean Cau (les Oreilles et la Queue, 1961), qui a revêtu, lui, l'habit de lumière. C'était mon ami. Nous étions ensemble à l'Express de Servan-Schreiber et Giroud. En pleine guerre d'Algérie. Il devait faire un article sur une corrida exceptionnelle à Bayonne. Un mano a mano entre Dominguín et Ordóñez, les deux plus grands de l'époque. Hemingway est annoncé. Jean Cau tombe malade. Il m'appelle. Il veut me persuader de le remplacer. Je renâcle. Je n'ai pas ses compétences. Il parle, il parle, sait comment me convaincre. Je vais à Bayonne. J'assiste à l'arrivée, dans un petit avion, de Dominguín (superbe !) accompagné de sa femme, Lucia Bose, qui, à l'époque, nous faisait tous rêver. Ensuite, d'un autre avion, sort le grand Hemingway. Mais au moment où l'on croit que l'événement a eu lieu, on voit sortir à sa