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Libération

Gens de Dublin

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publié le 22 septembre 2007 à 9h46

Ces personnes sont des gens de Dublin, des Dubliners, qui incitent à repenser au recueil homonyme de nouvelles publié en 1914 par James Joyce. Dans l'une d'entre elles, on lit : «Une personne ressemblant à un pauvre ecclésiastique ou à un acteur dans la dèche parut sur le seuil.» Dans une autre : «Lamente-toi avec tristesse et douleur, car il gît mort celui que la bande cruelle des hypocrites modernes a terrassé.» Cette photo datant de lundi dernier semble prise entre ces deux citations. Ces Dublinois qui ressemblent pour partie à un pauvre ecclésiastique ou à un acteur dans la dèche, autant dire à rien, sinon à eux-mêmes, poireautent pour retirer leurs économies à la banque Northern Rock, frappée par la crise des subprimes et menacée à ce titre de faillite. Ce qui étonne, c'est l'absence de panique ou de colère dans ce rassemblement de terrassés «par la bande cruelle des hypocrites modernes.». Voilà des pigeons plumés qui, telles les poules, n'auront jamais de dents. Cette image résignée annule certaines autres, autrement tumultueuses dans des circonstances faillitaires analogues : celles de banquiers new-yorkais tombant des buildings lors du fameux Jeudi noir de 1929, ou celle d'épargnants de Shanghai (photo fameuse de Cartier-Bresson prise en 1949) s'étripant à l'entrée d'une banque quelques heures avant l'arrivée des troupes communistes.

A croire que la domestication par le profit a eu la peau du fameux tempérament irlandais, qui plus est séché