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Libération

L'actualité comme une fiction

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par Marc DUGAIN
publié le 22 septembre 2007 à 9h45

Samedi

Un perroquet sans manteau

J'ai pris perpète avec trois médicaments. C'est le privilège d'avoir la plus grosse partie de sa vie derrière soi. Il est dit que je dois les prendre à jeun. Un jour sur deux, je les oublie et je m'en veux. C'est comme ça que chaque jour commence, y compris le samedi de ce journal. C'est la première fois que j'en tiens un. Il ne m'était jamais venu à l'idée de consigner mes faits et gestes au quotidien. Qu'est-ce qui différencie un ­samedi des autres jours de la semaine pour un type qui écrit un peu ? Pas grand-chose. Ce qui diminue, ce n'est pas l'inspiration, c'est le bruit dans la rue. Ce qui augmente en revanche, c'est l'agitation dans l'immeuble, car les gens sont là, ils sont gais, le week-end commence. Pour le silence absolu, il faut attendre le dimanche, en fin d'après-midi, quand chacun rentre chez soi, étreint par la perspective du lundi. Depuis quelque temps, je ne débute pas une matinée sans feuilleter le Monde de Raymond Carver. Lui, c'est le plus grand écrivain minimaliste américain. On est en compte tous les deux. Je sais ce que je lui dois, et il ne me doit absolument rien. Il est mort en 1988, à l'âge que j'ai, plombé par des années d'alcoolisme et de cigarette. Mourir prématurément, c'est parfois le prix à payer pour la postérité. Mais ça ne marche pas à tous les coups. Sinon, tout le monde en passerait par là. Carver avait beaucoup souffert, et il avait une réelle empathie pour la souffrance des autres, qu'il r