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Libération
Interview

«Pour la communauté chinoise, Belleville, c'est Wenzhou à Paris»

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Donatien Schramm, initiateur d'échanges culturels entre Français et Chinois à Paris, raconte l'histoire de l'immigration chinoise en France et revient sur le sort de Liu Chunlan, clandestine défenestrée le mois dernier à Paris. Pour cet acteur de terrain, l'intégration doit se faire dans les deux sens.
publié le 13 octobre 2007 à 0h44

Quand sont venus en France les premiers migrants chinois ?

Le premier émigré dont on connaît l'histoire est arrivé en 1888. C'est un colporteur qui vendait de la pierre stéatite. Il venait de la région de Wenzhou (Qingtian), à 400 km au sud de Shanghai. Il a fait fortune et des émules. Ceux qui retournaient au pays décrivaient la France comme un pays de cocagne. C'est dans ce contexte que les armées française et anglaise sont allées recruter des soldats pendant la Grande Guerre. Elles sont parvenues à enrôler entre 95 000 et 140 000 personnes selon les sources, en leur promettant monts et merveilles. Les Chinois du Nord devaient embarquer du port de Qingdao (Tsintao), au bord de la mer Jaune. Les Français avaient simplement oublié que ce port était colonisé par les Allemands depuis 1898 - ils sont d'ailleurs les inventeurs de la fameuse bière chinoise Tsintao. Les Allemands ont entrepris de raconter la vérité à ces «premiers travailleurs volontaires» : c'était pour enterrer les morts et se faire tuer ensuite qu'on leur offrait un voyage. Pour obtenir de la main-d'oeuvre, l'armée a donc usé des moyens ordinaires : vider les prisons, faire boire les jeunes. Par ailleurs, le bruit a couru, notamment aux alentours de Shanghai, qu'il était aisé d'aller jusqu'en France sans débourser un centime, via l'armée. De fait, une fois en France, les Qingtian n'en partiront pas et ne se confondront jamais avec les Wenzhou, malgré leur proximité. Ils se sont installés dans un quartier de la g