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Libération

L'âme trempée du samouraï

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publié le 10 novembre 2007 à 1h25

Cette photographie pourrait être un tableau. Ce tableau pourrait être une photographie. Prise au sortir d'une idéale machine à remonter le temps. C'est sans doute sa colorisation, par touches discrètes, qui induit ce trouble.

Au pinceau, une main anonyme a rehaussé certains rubans (en rouge) et quelques pièces de l'armure (en jaune et vert). Mais l'enjoliveur n'a pas retouché la peau du visage, la laissant au sépia du cliché original. Cet homme, ce guerrier, ce Japonais, n'est pas jaune, pas plus que nous ne sommes noirs ou blancs, mais cuivré.

Voilà donc une photo prise en 1871 dont l'actualité pourrait être médiévale. Posant à l'antique, c'est-à-dire de profil comme sur un médaillon, pour un photographe occidental (Raimund von Stillfried Ratenicz), cet homme est censément en tenue de samouraï. Mais l'est-il vraiment ou s'agit-il d'un figurant ayant endossé le costume ? Le temps de pause est à l'époque tel que le modèle, pour éviter le flou, a dû se figer longuement.

Pourtant, on le dirait sur le point de s'animer, de dégourdir ses membres, de tourner sa tête vers nous. Cette illusion tient au fait qu'ailleurs, au cinéma, on l'a déjà vu bouger. Bien entendu dans les Sept Samouraïs, film d'absolue référence de Kurosawa mais aussi dans Yojimbo, du même Kurosawa, qui met en scène un ronin, samouraï désargenté au service alternatif de deux clans rivaux.

Dans cette figuration de chevalier japonais, il y a en effet quelque chose du prince va-nu-pieds et mendiant. Cela t