Deux ouvrages parus coup sur coup s'éclairent respectivement avec bonheur. L'un - Ceux qui s'engagent - évoque la vie au jour le jour de ces hommes et ces femmes de notre temps qui éduquent, logent, soignent, emploient et surtout donnent, y compris d'eux-mêmes. L'autre - la Solidarité. Histoire d'une idée -, mettant notre présent en perspective, narre l'histoire d'un concept, celui de solidarité, apparu dès le XIXe siècle et entré en politique en 1896 avec la publication de la Solidarité, le livre de Léon Bourgeois, radical modéré au parcours politique exceptionnel. C'est de fait la «solidarité sociale» qui finira par s'ériger en maître mot et doctrine de la République. De quoi s'agit-il sinon du devoir qui incombe à chacun à l'égard de la collectivité ?
Le mot circule, dès les années 1830, dans les cercles de la gauche républicaine, expression d'un certain socialisme chrétien tendu vers la fraternité universelle, version moderne de l'éternelle aspiration humaine à l'unité. Le cheminement vers l'entraide face à l'adversité se fait à l'ombre du grandiose essor industriel qui ne bénéficie pas à tous. Une partie de la classe ouvrière s'organise, la mutualité devient son mot d'ordre. «Le printemps des peuples» de 1848 fait émerger un nouveau protagoniste sur la scène sociale : le peuple. Opposé à la bourgeoisie, il pourrait augurer la dissolution sociale. On reconnaît les antagonismes entre les riches et les pauvres, le capital et le travail