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Libération
Critique

Dialogue décolonisé

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publié le 17 mai 2008 à 3h29

Toutes deux sont nées musulmanes sur le sol algérien. Elles ont à peu près le même âge. L'une est fille de harki, nom générique donné aux anciens auxiliaires algériens de l'armée française ; le père de l'autre s'était engagé dans les rangs du FLN et est mort sous la torture de soldats français. Depuis presque un demi-siècle, leurs histoires se combattent, s'insultent parfois, toujours s'interdisent de parole. Mais toutes les deux désirent que cette haine cesse.

Chacune a fait l'effort d'aller vers l'autre, d'étudier son histoire, de reconnaître ses souffrances. Et même mieux : elles s'offrent mutuellement la parole. Depuis deux ans, dans des colloques, des librairies ou sur des salons du livre, elles s'assoient côte à côte, et Maïssa lit un passage d'un texte de Fatima. Puis Fatima lit un passage d'un texte de Maïssa. Toutes deux ont compris qu'à l'origine de la souffrance de leur père se trouvait le même mal : l'entreprise coloniale française. Cette toute puissante démone que Maïssa Bey, auteure de Pierre Sang Papier ou Cendre, nomme «Madame Lafrance» : «Droite, fière, toute de morgue et d'insolence, vêtue de probité candide et de lin blanc, elle avance [.]. Elle avance sur des terres brûlées, sur des chemins jonchés de corps suppliciés, de cadavres mutilés [.]. Elle est la liberté guidant le peuple. Elle est la mère des arts, des armes et des lois.»

Panorama. Fatima Besnaci-Lancou, qui a codirigé la rédaction des Harkis dans la colonisation et ses su