Envoyée spéciale dans les territoires du Nord
Tout au nord de l'Australie, là où le continent se laisse couler dans la mer d'Arafura - en lisière des mangroves, des rivières et des estuaires traversés par des crocodiles qui sont les maîtres des eaux - est ancrée Darwin, seule ville à des centaines de kilomètres à la ronde, une balise au sortir du désert, un phare sans cesse secoué par un ciel capricieux. «Non, je dirais plutôt excentrique, grandiose, magnifique.» - «Dangereux tout de même, avec la foudre.» - «Mais non ! Somptueux ! Majestueux !» Institutrice à la retraite, Mary a la passion du mot juste et celle des orages qui, quand vient l'été, enflamment les cieux de Darwin. L'après-midi, elle se prépare une citronnade, s'installe dans son jardin, où le parfum des mangues affole les mouches, et attend que le spectacle commence.
Edredons noirs. A l'horizon, les nuages se sont rassemblés et s'avancent, ils s'empilent en couche épaisse, montent des édredons noirs jusqu'à la cime du ciel, qui est soudain si bas qu'il emprisonne la ville dans une nasse dont il semble impossible de s'échapper. Dans le jardin de Mary, le soleil a disparu, les poinsettias et les bougainvillées frissonnent, brossés par les rafales de vent qui cavalent sous les nuages. L'air n'est plus sucré mais acide, presque métallique. Soudain, dégringolent les éclairs qui, dans l'obscurité, ouvrent des lézardes de lumière. Ils tombent par poignées. Comme jetés à terre par des dieux colérique