Aux confins de l'Ombrie et du Latium, sur la vieille terre des Etrusques, c'est une énigme. Un bois mystérieux comme un recoin de l'âme mais extravagant ; un jardin secret, comme les blessures que laisse la vie lorsqu'elle s'en va, mais cuirassé de grotesque. On était prévenu. «Ceux qui visitent ce jardin pour la première fois éprouvent un sentiment de crainte, voire de répulsion. Après vient l'émerveillement», avait-on lu dans Natures mortes au Vatican, roman noir et gastronomique, sur la Rome de 1570. Mais justement, l'évocation par l'auteure, l'historienne Michèle Barrière, de ce haut lieu du maniérisme, bâti entre 1552 et 1580, piquait la curiosité. Des statues colossales, stupéfiantes, des scènes figées dans la pierre exprimant une telle violence que le héros croit «entendre les os se briser et les chairs se déchirer», mais aussi un bois métaphore de «la douceur amère de l'amour». Alors on s'était promis d'aller voir sur place, sur pièces.
De la capitale italienne, il faut à peine une heure de route, en direction de Viterbe pour rejoindre, dans une vallée échancrée par les collines et les calanques de tuf, le village médiéval de Bomarzo. Les maisons, plantées sur un éperon rocheux, sont surplombées par le château Orsini. Il faut être attentif pour ne pas rater les panneaux indiquant, en contrebas, le «Parco dei Mostri», le parc des monstres. Discrétion ou indifférence, pour un jardin pourtant cité dans tous les livres d'histoire de l'a